mercredi 5 novembre 2008

Sur le toit du monde


4 novembre 2008.

Imaginez...

Imaginez une pluie battante qui s'abat sur DC à l'annonce des résultats. Pourtant les gens dansent dans la rue, crient, pleurent et commencent sans doute à réaliser que ce qu'ils sont en train de vivre est historique. Très vite ils sont 100, 1000 et des milliers à descendre sur U st au coeur d'Adams Morgan, quartier fort de la communauté Black. Les ''Si se puede'' succèdent aux ''Yes we can''. Dans les bars démocrates les bouchons de Champ' sautent et tout le monde se fait arroser. On a même vu un petit blanc danser le coupé-décalé sur un 4x4 Chevrolet à 2h du mat' avec deux gros gangsta (monumental...).

Imaginez la liesse populaire, les rues bondées, les flics inexistants. Les cigares qui s'allument et la nuit qui n'en finit pas.

Imaginez les Latinos, les Noirs, les Blancs, les Chinois. Tous se mélangent avec ferveur pour partager le temps d'un soir l'histoire assez incroyable d'un type que l'on attendait pas, d'un politicien black de Chicago qui, il y a encore un an, était David quand Clinton était Goliath.

Image qui n'est pas sans rappeler le Melting Pot légendaire du pays. Sauf que ce soir la légende n'est plus.

Retour en arrière: la campagne aux Etats-Unis a commencé il y a presque quatre ans. La prochaine commencera le 21 janvier, lendemain de l'investiture d'Obama. Il y a quatre ans Obama, sénateur de l'Illinois, était encore inconnu. Comment expliquer aujourd'hui son ascension vers la gloire? Simplement parce qu'il s'agit d'un orateur hors normes, qui a gagné ses galons en travaillant comme un acharné, en s'entourant des best and brightest, et en montrant clairement qu'il savait écouter mais qu'il avait aussi son idée sur tout. Obama, c'est aussi une voix reconnaissable entre mille, à la Philippe Noiret.

S'agit-il d'une surprise? Finalement pas vraiment. Qui d'autre que les Américains pour réaliser ce grand pas pour l'Histoire . Comme l'a dit Labro, ''C'était écrit. Il y avait dans l'inconscient collectif américain la notion qu'après tout, un homme de couleur peut devenir l'homme qui a le doigt sur le bouton rouge''.

Le paradoxe c'est que l'on connaît l'Amérique à travers deux grands clichés: les cow-boys du Texas, les Indiens, les bisons (Buffalo Bill et Cie), et un pays où tout peut devenir possible, où la méritocratie prime sur l'élitisme. Or en ce soir de novembre les Américains avaient le choix entre ces deux clichés. John McCain, digne représentant de l'Amérique puritaine, de la NRA, et de l'Eglise et Barack Obama, candidat du changement, de l'audace, de l'espérance. Le seul point commun des deux candidats devait finalement être leur costume Brooks Brothers. Et l'Amérique conservatrice a choisi la modernité. Elle a choisi Barack «le béni». Elle a élu Barack Hussein Obama II. Oui l'Amérique semble en mouvement et ca fait du bien.

Parce qu'il en a pris des coups pendant ces deux dernières années. Par tous les moyens, on a essayé de le foutre par terre: Noir, musulman, extrêmiste, pas assez Noir, pas né aux US, incompétent... Dure campagne pour que la conclusion ne soit que plus extraordinaire. Il n'en est pas ressorti indemne, il en est ressorti plus fort. Comment la diabolisation d'un homme permet de le porter vers les cîmes.

Icône d'un nouveau business - son nom fait toujours vendre des millions de T-Shirts, casquettes, posters et autres badges en tous genres partout dans le pays -, icône ''in'' quand l'autre apparaît comme un gros ''has'', le bonhomme est attendu. Qu'est-ce qu'il y avait de plus à la mode que d'être pro-Obama ces derniers temps?

Recherche ''Obama'' dans Google:

''Results 1 - 10 of about 333,000,000 for obama. (0.05 seconds)''

Et il décevra c'est sûr. On ne peut pas porter les espoirs de toute une nation sans décevoir. Mais là n'est pas le plus important. Son élection seule est un progrès monumental, dans un pays où les Blacks s'asseyaient au fond du bus il y a encore 60 ans.

Les Américains ont donné rendez-vous à l'Histoire le 20 janvier prochain. Les tickets pour l'Inauguration s'arrachent pour des milliers de dollars et les sous-locations à Washington avoisinent 3000 dollars pour la semaine.

On sera là, c'est sûr et on aura le bonheur de pouvoir dire dans 30 ans: ''I was there!''

Take care and God bless
Victor